Celles et ceux impliqués dans l’innovation ne méconnaissent pas les brevets et la propriété intellectuelle en général. Par contre, la normalisation et ses interactions avec l’innovation sont très souvent laissées sur le bas-côté alors même qu’elles peuvent s’avérer cruciales.
La normalisation concerne tout le monde et tous les domaines. Elle constitue un espace ouvert à tous (industriels, consommateurs, utilisateurs, ministères, administrations publiques, laboratoires, centres de recherche, ONG, syndicats, etc.) dans lequel sont élaborées des normes volontaires, par consensus entre les parties prenantes.
La norme ainsi construite recèle des bonnes méthodes et/ou des exigences régulièrement révisées pour prendre en compte l’évolution de la technique et de la société.
Si l’interaction innovation-normalisation est quotidiennement pratiquée outre-Rhin, par de grandes entreprises comme par des PME, ce qui permet à nos voisins Allemands, champions du monde de la normalisation, de régulièrement prendre des longueurs d’avance, en France, cette interaction innovation-normalisation demeure un sujet peu connu, ce qui nous fait perdre des opportunités voire subir des dommages irréversibles telle qu’une mise à l’écart définitive d’un marché.
Comment la normalisation constitue un risque majeur ?
Ne pas s’intéresser à la normalisation revient à prendre le risque qu’un concurrent impose sa solution brevetée dans une norme, au détriment de celle pour laquelle vous avez investis du temps et des moyens. En effet, la solution technique intégrée dans une norme n’est pas nécessairement la plus pertinente ou la plus aboutie d’un point de vue technique, elle est simplement celle qui a fait consensus parmi les parties prenantes présentes au sein de la commission de normalisation.
Bien que volontaire, la norme a une forte effectivité. Certaines normes constituent même des référentiels incontournables sur le marché. La menace est alors encore plus grande lorsqu’un de vos concurrents est parvenu à intégrer sa solution brevetée dans ce type de norme : votre technologie innovante, quelle que soit la force de votre brevet, peut tout simplement être exclue du marché réduisant vos efforts à néant.
Comment la normalisation peut soutenir votre innovation ?
La normalisation peut contribuer à la propagation d’une innovation. Différentes options s’offrent alors à l’entreprise qui souhaiterait booster son innovation en s’appuyant sur une norme.
Tout d’abord, votre entreprise peut prendre l’initiative en envisageant d’intégrer une de vos solutions techniques brevetées dans une norme avant qu’une société concurrente ne le fasse : le respect de la future norme impliquera alors de recourir à votre solution brevetée. Cette option implique de la transparence à l’égard des membres de la commission de normalisation, ainsi qu’un consensus de leur part pour opérer une telle liaison brevet-norme. Il vous faudra préparer des arguments pour les convaincre.
Dans cette hypothèse, étant le titulaire du brevet, vous déterminerez si vous souhaitez accorder des licences gratuites pour l’utilisation de votre brevet (royalty free) ou si vous optez pour des licences, nécessairement accordées dans des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires (aussi dites FRAND).
Une des autres options consiste à élaborer la norme de manière à ce que votre solution technique brevetée ne soit pas la seule solution technique possible pour appliquer la norme. C’est notamment le cas lorsque la norme prévoit un résultat à atteindre sans imposer une solution spécifique pour atteindre ce résultat. Cette seconde option vous permet de garantir un devenir à votre technologie brevetée, ainsi qu’à de potentielles améliorations que vous pourriez apporter à votre propre brevet.
Quelles sont les premières actions concrètes à réaliser ?
La toute première démarche pour s’initier à l’interaction innovation-normalisation est la mise en place d’une veille normative. Celle-ci permet d’être informé sur l’existence ou non de travaux normatifs en cours en lien avec votre innovation. L’AFNOR (l’organisme de normalisation français) propose différents outils, certains gratuits, à même de réaliser une veille. Puis, en cas de constatation d’une norme en cours d’élaboration susceptible de nuire à votre activité, il conviendra d’analyser l’intérêt de s’impliquer en normalisation en fonction du caractère plus ou moins stratégique de votre solution technique et de la norme, de l’état d’avancement de l’écriture de cette dernière, des entités impliquées dans la commission de normalisation…
Enfin, l’ouvrage « La loi ne fait plus le bonheur », livre grand public sur la normalisation publié récemment, présente ce lien innovation-normalisation de manière accessible, notamment grâce à des exemples concrets, des illustrations et une courte histoire vraie d’une start-up française, leader mondiale dans son domaine et ignorante de la normalisation, bousculée par des concurrents allemands avant qu’elle ne parvienne à reprendre l’ascendant au sein même des instances de normalisation pour pérenniser ses solutions techniques.
Article rédigé par Françoise Bousquet et Stéphane Jock,
co-auteurs du livre “La loi ne fait plus le bonheur” publié aux Editions l’Harmattan, collections Questions contemporaines
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