Les bénéfices à participer à un projet européen
#9 Contribuer à mieux soigner les personnes nées de manière prématurée
Les financements européens n’ont pas leur pareil au plan national, tant par le montant de l’aide que par le niveau de risque et d’ambition qu’ils peuvent prendre en compte. Que vous soyez chercheur ou entrepreneur, s’impliquer dans des projets européens, c’est travailler avec les leaders d’un secteur, avoir une longueur d’avance par rapport à l’état de l’art et aux concurrents sur les innovations à venir ou encore gagner du temps de prospection pour accéder à de nouveaux marchés. Cependant, les bénéfices et impacts des projets européens sont bien souvent méconnus, tout comme le chemin pour les obtenir.
Cette série de témoignages (épisode 1, ép. 2, ép. 3, ép. 4, ép. 5, ép. 6, ép. 7, ép.8) fera la lumière sur quelques projets financés par le programme Horizon 2020. Les porteurs (chercheurs, entrepreneurs, centres de R&D, clusters, etc.) partagent avec vous leurs retours d’expérience. Le but ? Vous permettre de vous projeter grâce à des exemples concrets et pourquoi pas, vous ouvrir aux opportunités européennes ?
Quand le laboratoire du développement et de la plasticité du cerveau neuroendocrine, Lille Neuroscience & Cognition, a remporté miniNO, il n’en était pas à son 1er succès européen dans le cadre du programme Horizon 2020 : il avait déjà remporté 3 actions Marie-Curie ainsi que 2 ERC (European Research Council).
Dans cet article, les coordinateurs du projet miniNO, Vincent Prévot et Konstantina Chachlaki (photo) partagent leurs prometteuses expériences avec ce nouveau projet qui débute.
*L’appel à propositions SC1-BHC-01-2019 traite des mécanismes par lesquels certains individus sont plus propices à développer certaines co- et multimorbidités
Le projet
Nom : miniNO
Associative mechanisms linking a defective minipuberty to the appearance of mental and nonmental disorders: infantile NO replenishment as a new therapeutic possibility
Type : Projet collaboratif de recherche
Appel à projets : H2020-SC1-2019-Two-Stage-RTD*
Partenaires régionaux :
1. Laboratoire du développement et de la plasticité du cerveau neuroendocrine, Lille Neuroscience & Cognition (INSERM UMR-S1172) (coordinateur)
2. CHU de Lille
3. Université de Lille
Durée : 2020 – 2026
Subventions n° 847941 reçues par les partenaires en région : 2,2 M€
Ce projet a reçu un financement du programme de recherche et d’innovation Horizon 2020, de l’Union européenne, dans le cadre de la convention de subvention : Grant n° 847941
Le projet
Les individus nés de manière prématurée sont confrontés à des risques de santé dès la naissance ainsi que tout au long de leur vie. Ce phénomène est associé à une activation aberrante de l’axe gonadotrope au cours de l’enfance, mais les mécanismes exacts sous-jacents à ce dysfonctionnement et ses conséquences sur le développement du cerveau et l’organisme restent largement inconnus.
Le projet miniNO, effectue une recherche pionnière sur ce sujet.
Son objectif premier est de mettre au point des traitements chez le bébé pour améliorer la santé et la qualité de vie de millions de personnes nées prématurées.
”Ce projet nous a aussi permis de nous dôter d’équipements de pointe tels que des lunettes de surveillance (eye-tracking glasses) permettant d’étudier l’interaction sociale entre l’enfant et sa mère. Par exemple, si l’enfant a des tendances autistiques, il va avoir tendance à beaucoup moins croiser le regard de sa mère. Plus largement, la génétique coûte très cher et sans ces financements européens, nous n’aurions rien pu faire.”
La prématurité : source de nombreuses morbidités tout au long de la vie
Selon l’OMS, les naissances prématurées vont prédisposer les individus à développer plus tard dans leurs vies un certain nombre de maladies non communicables (troubles du comportement et de l’apprentissage, autisme), ainsi que certains troubles métaboliques (diabète, obésité), reproducteurs (infertilité) et cardiovasculaires. Cela concerne environ 15 millions de personnes par an dans le monde et est source de souffrance émotionnelle pour les familles et représente un coût financier important pour les systèmes de santé.
MINI… La prématurité affecte la mini-puberté
Notre naissance s’accompagne de l’activation de l’axe gonadotrope (de la 1ère semaine de vie jusqu’au 6ème mois). Cette courte période de changements hormonaux (qui reprendra au moment de l’adolescence) s’appelle la « mini-puberté ». Cette dernière joue un rôle fondamental dans la programmation et la maturation du système nerveux central ainsi que dans la maturation sexuelle et l’acquisition de la fertilité plus tard dans la vie.
L’intensité de la « mini-puberté » peut être multipliée par 300 chez les prématurés, par rapport aux niveaux signalés chez les nouveau-nés à terme. Cette mini-puberté anormale pourrait contribuer au risque de développer les troubles et maladies susmentionnés.
…NO ! Le monoxyde d’azote (NO) pourrait-il remédier aux effets d’une naissance prématurée ?
Le monoxyde d’azote (NO) est depuis longtemps reconnu comme un acteur clé dans la régulation hormonale de la fertilité. Ce n’est que récemment que nous avons acquis certaines connaissances sur son rôle dans le processus de maturation sexuelle.
Des études chez la souris ont révélé que la déficience en NO est associée à une mini-puberté exacerbée, de manière similaire à ce qui est observé chez les enfants nés prématurément, entraînant les mêmes comorbidités. Toutes ces pathologies pourraient être corrigées par une thérapie de reconstitution des réserves de NO en particulier pendant la mini-puberté.
Le NO est par ailleurs déjà utilisé en néonatologie pour fournir aux nouveaux nés prématurés une aide respiratoire.
Le projet miniNO a pour ambitions :
- D’identifier la mini-puberté altérée comme le principal mécanisme causal sous-jacent à la multimorbidité associée aux naissances prématurées
- D’évaluer le rôle du NO infantile sur la minipuberté et les comorbidités liées aux naissances prématurées
- De proposer l’élaboration de nouvelles stratégies de diagnostic, de prévention et de traitement, ouvrant la voie à une médecine personnalisée : quels enfants prématurés ont besoin de NO pour survivre ? Ces enfants répondront-ils bien à ce traitement ? etc.
La genèse du projet
C’est grâce à de multiples discussions, rencontres et travaux de recherche antérieurs que ce projet est né dans de bonnes conditions ! C’est en quelque sorte comme si le projet miniNO avait été incubé pendant 5 ans avant sa concrétisation.
Des partenaires de longue date
Au niveau régional
La Fédération Hospitalo Universitaire (FHU) « 1000 premiers jours de la santé »
C’est en particulier la FHU1 « 1000 premiers jours de la santé » qui a permis la rencontre (et renforcé les liens) des 3 partenaires majeurs du projet miniNO, tous en région Hauts-de-France : le CHU de Lille, l’Université de Lille et l’INSERM.
Au niveau européen
Le réseau européen COST « GNRH Network »
Depuis 2012, nous faisons partie d’une action COST « GNRH Network » qui rassemble de nombreux scientifiques, cliniciens, praticiens etc, dont deux sont devenus partenaires de miniNO : le CHU Vaudois (coordinateur de l’action COST) et la Queen Mary University of London (pionier de la caractérisation de la mini-puberté chez les enfants nés prématurément). Cette action a permis de nous faire connaître et de rencontrer les futurs partenaires de miniNO, tout en travaillant déjà sur la thématique principale de ce projet.
C’est quoi une FHU ?
Une FHU vise à faire collaborer toutes les équipes de recherche en santé autour d’un thème. Il s’agit de réaliser des études fondamentales (au laboratoire) et cliniques (avec des patients), de s’appuyer aussi sur des essais en science sociale ou en économie de la santé ou de développer des innovations technologiques ou des traitements plus efficaces et mieux tolérés.
Dans le cadre de cette FHU, Konstantina a participé à un projet collaboratif qui a été financé en 2018 et nous a permis la production de résultats préliminaires, utilisés ensuite dans le cadre de miniNO.
La découverte des liens entre les problématiques ”de terrain” des cliniciens et la thèse de Konstantina Chachlaki
C’est grâce à la FHU « 1000 premiers jours de la santé » que nous avons commencé à discuter quotidiennement avec des cliniciens du CHU de Lille et que nous avons découvert que les molécules qu’ils utilisaient pour traiter les nourrissons étaient les mêmes que celles que nous avions découvertes comme étant importantes pour la régulation de la mini-puberté par le cerveau.
Nous nous sommes rendus compte que nos recherches chez l’animal (cf. la thèse de Konstantina Chachlaki) pouvaient peut-être aider l’Homme et qu’il y avait peut-être une occasion d’améliorer le développement et l’état de santé futur des bébés prématurés dès les premiers instants de leurs vies !
L’appel à projets européen remonté par Inserm Transfert : le détonateur !
L’appel à projets européen nous a été transmis par Inserm Transfert en juin 2019.
Tous les ingrédients étaient donc réunis pour monter un projet : une idée de projet ambitieux, des excellents partenaires qui se connaissent et un appel à projet correspondant.
”A ce moment-là, j’avais été présélectionné pour un oral ERC Synergy que nous avons travaillé tout l’été (et que j’ai remporté entre temps : le projet WATCH). Il ne nous a donc resté qu’un mois pour monter miniNO avec Konstantina. Heureusement, l’appel étant en 2 phases, le dossier à déposer n’était que de 10 pages ce qui nous a permis de relever le défi !”
Quelques conseils aux porteurs de projets
”Je pense que l’un des facteurs de succès décisif est le fait que nous proposions une piste potentiellement applicable directement à la fin du projet, chez le patient et sans nécessiter le développement long d’un médicament.”
”J’ai également été très bien entouré au sein de mon équipe : je n’aurais jamais pu déposer ce projet sans la présence de Konstantina, sa motivation et son envie. C’est elle qui m’a poussé à déposer ce projet.”
”Les cliniciens ont fort à faire avec leur pratique médicale (l’Hôpital Jeanne de Flandres est l’une, sinon la plus grande, des maternités de France). Nous les avons donc interviewés pour initier l’écriture du projet sans leur faire perdre trop de temps. Ils n’avaient ensuite plus qu’à corriger nos erreurs et à ajouter les éléments pertinents qui manquaient. C’est vraiment un travail d’équipe. ”
Faites-vous accompagner
Il est absolument nécessaire de se rapprocher de structures et personnes dont le montage de projets européens est le métier ! Monter un projet est une tâche imposante qui peut nous dépasser sur beaucoup d’aspects. Bien que nous soyons de bons scientifiques, nous ne parlons pas forcément le langage européen. Les attentes européennes ne sont pas toujours bien comprises et le risque est de perdre du temps et se démotiver.
Pour miniNO, nous avons pu bénéficier de l’aide des structures et personnes suivantes :
- INSERM Transfert nous a transmis l’appel à projets qui a lancé la dynamique ! Ensuite, INSERM Transfert – avec sa force de frappe impressionnante – nous a surtout permis de finaliser la 2ème étape de soumission.
- La délégation régionale de l’INSERM nous a entre autres beaucoup aidé à formaliser le côté administratif.
- La région Hauts-de-France via son dispositif FRAPPE (Fonds Régional d’Aide aux Porteurs de Projets Européens) nous a mis à disposition gratuitement un consultant (cabinet Ayming), qui nous a aidé à trouver le partenaire industriel. Le cabinet Ayming a également retravaillé l’écriture du projet pour l’adapter davantage aux attentes de la CE. Notre consultant était chimiste (et non biologiste). Il avait donc une culture scientifique sans être de notre domaine : ce regard extérieur a été très utile ! Globalement, cette aide a été cruciale, précieuse et fantastique !
Grâce à ces acteurs, nous avons pu nous concentrer sur la partie scientifique pendant qu’eux, géraient le reste. Cela est une vraie « success story », puisqu’il y avait une réelle synergie entre la délégation régionale de l’INSERM, INSERM Transfert et la région Hauts-de-France (à travers son dispositif FRAPPE).
Le rôle crucial du coordinateur
Notre laboratoire était vu comme un élément fédérateur, ce qui explique notre rôle de coordinateur de ce projet européen. Un projet européen est un travail de tous les jours : il faut anticiper les besoins et répondre aux questionnements de chaque partenaire pour qu’ils puissent commencer à travailler et délivrer leurs résultats à temps.
Il faut également avoir un état d’esprit de bienveillance et d’enthousiasme pour donner envie aux partenaires d’intégrer l’aventure, tout en garantissant une complémentarité des compétences et des expertises de haut niveau.
Et pour l’avenir ?
Nous donnons rendez-vous à Vincent et Konstantina en 2026 afin qu’ils puissent nous dire s’ils sont parvenus à leurs fins dans le cadre de ce projet !
En savoir plus
Contacts : Vincent Prévot et Konstantina Chachlaki
Plus d’infos : projet miniNO
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Pour en savoir plus sur le programme Horizon Europe, consultez cette page
Ce témoignage est le résultat d’un travail mené par l’INSERM, la Région Hauts-de-France, HDFID et le master MEA (Université de Lille).