Une masterclass originale et inspirante pour apprivoiser l’échec !
Face à l’excitation de créer, de bâtir et de conquérir des marchés, la peur de l’échec reste souvent le grand tabou des entrepreneurs. Pourtant, l’échec n’est ni une fatalité, ni une fin : il peut être une limite objective qu’on se donne, une étape, une source d’apprentissage, voire même le point de départ d’une nouvelle aventure !
C’est pour lever ce voile et permettre à des incubés et jeunes startups de mieux comprendre et appréhender les risques inhérents à leur parcours que HDFID a organisé le 14 novembre dernier une Masterclass consacrée à l’arrêt entrepreneurial.
Sous la houlette de Henry CLETY (ci-contre), enseignant-chercheur en psychologie à l’Université Catholique de Lille, la journée s’est déployée en quatre séquences riches et complémentaires, dans le cadre évocateur de l’aéroport de Lille-Lesquin.
Quel rapport entre un pilote et un entrepreneur ? Tous deux doivent constamment opérer des choix entre des directions multiples et des décisions cruciales !
Afin d’appréhender au mieux et de rebondir après un échec, Henry Cléty conseille aux participants sa sélection d’ouvrages inspirants et instructifs :
Charles Pépin
Les vertus de l’échec
Paru en 2018
Propos philosophique illustré des histoires de Charles de Gaulle, Rafael Nadal, Steve Jobs ou Barbara…
V. Nahmias & C. Gaudelot
Pourquoi les entrepreneurs échouent
Paru en 2023
30 startup français révèlent les difficultés de leur parcours.
F.H. Courvoisier & S. Adiyaman
Célébrer l’échec !
Paru en 2024
12 témoignages originaux pour aider les entrepreneurs et entrepreneuses à transformer leurs prochains échecs en succès.
Enoch Effah
12 rounds pour exister au-delà des échecs
Paru en 2023
Tous les secrets d’un champion de boxe pour avancer dans la vie en pleine confiance !
JC Hériche
10 étapes pour rebondir après un échec et garder confiance en soi
Paru en 2019
10 objectifs concrets et opérationnels pour retrouver le goût de ta réussite, de l’audace et de la conquête.
Collection entreprises
Perdez la peur de l’échec
Paru en 2024
Un ouvrage pour dompter sa peur profonde de l’échec, oser, et ainsi vivre plus heureux !
Pierre FERNEMONT, Directeur Commercial et du développement de l’aéroport de Lille-Lesquin accueille l’événement, et se prête à l’exercice du partage d’expérience.
Depuis les années 2000, les aéroports ont connu un vrai bouleversement de leur activité. Face à l’émergence des compagnies low-cost, il a fallu s’adapter, et réorganiser toute l’activité.
Le profil-type des usagers a changé, mais aussi toute la logistique de l’aéroport !
– Exemple : les passerelles pour embarquer les passagers dans les appareils représente un coût que les compagnies low-cost ne veulent pas supporter : il faut donc organiser le transit des passagers sur le tarmac.
– Autre exemple : l’ajout aux procédures de sécurité le contrôle des liquides, limités par ces compagnies à 100ml.
L’épidémie de Covid a également fortement impacté ce secteur, et Lille-Lesquin est situé dans une zone de très forte concurrence. La recette de Pierre Fernemont (ci-dessous) pour lutter contre ces vents contraires ? Une adaptation permanente pour répondre au mieux à la demande des clients, et une bonne dose de résilience.
Au sortir de cette masterclass, que peut-on en retirer ?
L’intelligence collective pour imaginer le pire
Comment appréhender concrètement l’arrêt d’une entreprise quand, justement, on veut qu’elle dure et qu’elle aille le plus loin possible ? Comment y penser sans angoisse et le plus objectivement possible ?
C’est ce défi que nous avons tenté de résoudre grâce à la méthode du co-développement et de l’intelligence collective proposée par Henry CLETY.
Deux séquences ont facilité l’immersion puis la prise de distance :
– D’abord trois fondateurs d’entreprises ont accepté de raconter leurs fins d’aventure entrepreneuriale. Les porteurs de projets se sont prêtés à l’exercice de l’analyse des faits et des signaux faibles, de leur enchaînement, et sont parvenus à formuler des interprétations.
– Dans un second temps les porteurs de projets ont été invités à travailler sur un cas fictif de startup en difficulté et à imaginer un “scénario du pire”.
L’effet cathartique du jeu de rôle
Le jeu de rôle a permis de désinhiber les peurs cachées, de libérer une parole salutaire et de dégager des réflexes cruciaux pour leur propre parcours.
L’intérêt du co-développement est aussi de :
– dépasser le blocage émotionnel ou intellectuel que peut représenter cette question de l’échec possible,
– s’immerger en toute sécurité dans la situation, et observer le « problème » de l’intérieur,
– envisager des modes de préparation et de réaction.
Les participants échangent sur leur “analyse de l’échec”
Victor SAISON partage son expérience d’ex-fondateur de Tutti Flirty
Les participants imaginent ensemble leur “scénario catastrophe”
Les causes de l’arrêt… un puits sans fonds ?
Des rêves initiaux à la liquidation, il peut se passer tant de choses. Les échanges ont sans surprise reflété le caractère multi-factoriel des crashs entrepreneuriaux, en faisant ressortir notamment les quelques éléments suivants :
• Une vision trop radicale et sans concession peut contenir les germes de problèmes futurs. Ne pas transiger avec ses valeurs ne signifie pas le refus d’adapter son modèle.
• Toutes les idées sont bonnes à prendre mais le marché aura toujours raison. Comme l’explique Victor SAISON à propos de son ancienne startup Tutti Flirty, une application de rencontre qui a séduit 90 000 utilisateurs quotidiens : « attention au produit parfait ! Mieux vaut une solution moche ou pas complètement aboutie qu’on teste rapidement auprès d’utilisateurs potentiels, plutôt que d’attendre et peaufiner le produit parfait. »
• Cadrer le volet financier, rassurer les investisseurs, Cyril NOURY, ex-fondateur de Informa’Truck, s’est attaché à le faire. Mais après un démarrage d’activité prometteur, l’ambition sociale de son réseau de camions-ateliers itinérants de réparation et d’assistance informatique a semblé se heurter aux exigences capitalistiques que ce modèle imposait cependant.
• Time to market : n’arrivez pas trop tôt sur un marché, ne pivotez pas trop tard. La rengaine est connue mais validée par le concept Tutti Flirty qui se serait probablement très bien revendu quelques mois après l’arrêt de la startup, quand l’épidémie de COVID a fait du distanciel l’alpha et l’oméga du quotidien.
• L’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle doit être respecté au risque de mettre en péril l’entreprise elle-même. Mélodie ILLES, ex-cofondatrice du restaurant novateur Sauge, en a fait l’expérience et a préféré avec sa partenaire arrêter une activité qui marchait bien. L’arrêt n’est pas toujours synonyme d’échec, il peut même être salvateur !
• Le paradoxe de l’erreur : levier d’apprentissage extraordinaire, il faut pourtant tenter de la limiter au risque de conduire l’entreprise à sa perte. C’est un facteur terriblement humain que Victor SAISON a mis en exergue : « On doit se tromper pour apprendre, mais les erreurs peuvent coûter cher ! »
L’analyse des expériences, les échanges avec les témoins ainsi que les interventions des participants ont permis de faire émerger d’autres conseils : regarder les choses en face, ne pas craindre de parler du pire, systématiser l’analyse des risques, reformuler les objectifs…
Cet exercice d’analyse des pratiques fut donc un exercice de transparence qui, en formulant des pistes d’action, a contribué à dédramatiser l’échec. En bref, il ne faut pas craindre d’envisager le pire car « il y a une vie après l’arrêt entrepreneurial ».
L’entreprise bat de l’aile ? Des solutions existent pour éviter le crash !
L’intervention de Josué COPPEY, de la Banque de France, a ajouté une dimension technique et pragmatique à la réflexion. Cette institution bien connue ne tient pas seulement les comptes du Trésor Public, elle est au cœur de l’action publique au service des particuliers et des entreprises. Josué COPPEY a ainsi présenté les nombreux dispositifs disponibles pour accompagner les entrepreneurs tout au long de leur parcours, y compris dans les moments les plus critiques.
Une présentation qui a été une véritable révélation pour de nombreux participants, souvent mal informés des options qui s’offrent à eux. L’accent a été mis sur quatre étapes clés :
1. L’accompagnement, dont peut bénéficier le dirigeant auprès de son banquier bien sûr, mais aussi de son expert-comptable ou au travers de ses échanges avec ses fournisseurs et clients.
2. Les bons outils de pilotage, autre clé du succès et de l’anticipation !
3. L’anticipation, justement, grâce notamment au diagnostic OPALE, outil d’analyse économique et financier gratuit mis à disposition par la Banque de France
4. Enfin, en cas de difficulté réelles, la médiation et la résolution amiable des différends par l’entremise de plusieurs acteurs publics dont c’est le rôle. La banque de France justement peut le cas échéant intercéder entre vous et votre banquier.
Quelques lien utiles vers des services et dispositifs Banque de France :
– Mes Questions d’Entrepreneur : portail national de l’éduation économique, budgétaire et financière pour les entrepreneurs
– Le diagnostic financier gratuit OPALE pour aider à la gestion et à la prise de décision
– La médiation du crédit : aide aux entreprises rencontrant des difficultés avec un ou plusieurs établissements financiers
– L’espace dirigeant de la BdF
– Les correspondants startup de la BdF
Cette intervention a souligné un message fort : l’échec n’est pas synonyme de stigmate ou de fin définitive !
Des ressources existent pour transformer une expérience douloureuse en opportunité de renouveau. Nos 3 témoins l’ont parfaitement illustré : Cyril Noury a démarré un nouveau projet, Victor Saison a fondé une nouvelle entreprise : Reov, et Mélodie Illès s’épanouit dans un poste salarié qui lui permet de rester en contact avec le monde de l’entrepreneuriat, puisqu’elle a intégré l’équipe de HDFID en tant que chargée de communication 360° !
Face aux risques et à l’incertitude… les leçons d’un pilote du Concorde !
La masterclass s’est achevée sur une note inspirante et pleine de perspectives. Jacky RAMON, dernier pilote du Concorde, invité d’honneur de la Masterclass, a partagé son expérience de commandant de bord, établissant des parallèles puissants entre son métier et celui de dirigeant d’entreprise.
À travers son récit, il a décrit les moments de doute, les prises de décision sous pression, et l’importance vitale de s’appuyer sur son équipage. “Un avion ne vole pas grâce à un seul homme, mais grâce à une équipe entière”, a-t-il rappelé, soulignant ainsi la nécessité pour les entrepreneurs de construire autour d’eux une équipe solide et alignée sur les mêmes objectifs.
Quelques règles édictées par Jacky RAMON (ci-contre) et que l’on peut aisément appliquer au monde de l’entreprise :
– Ne pas s’entêter mais prendre conseil, que ceux-ci proviennent de salariés de l’entreprise ou de personnes extérieures
– Favoriser une bonne ambiance, ce qui sera toujours source d’efficacité
– Préférer le pessimisme et la préparation : anticiper les problèmes et envisager des solutions est indispensable pour réagir dans l’urgence
– Prioriser : trier l’urgent du non urgent, le critique de ce qui ne l’est pas
L’aéroport, cadre de cette intervention, illustrait bien les défis de l’entrepreneur : comme un pilote, le dirigeant d’une startup doit savoir naviguer dans des conditions imprévisibles, éviter les turbulences et parfois changer de cap pour garantir l’atterrissage en toute sécurité.
Les enseignements de la masterclass
Au terme de cette journée, plusieurs messages-clés ont émergé :
1. L’échec n’est pas une fatalité : il est une étape d’apprentissage qui peut mener à un succès futur.
2. S’entourer et communiquer : une équipe unie et un réseau solide peuvent faire toute la différence dans les moments difficiles.
3. Anticiper et agir rapidement : repérer les signaux faibles, prendre des décisions éclairées et ne pas hésiter à demander de l’aide.
4. Ne pas oublier l’humain : dans la gestion d’une entreprise comme dans la vie, les relations humaines sont au cœur des succès comme des échecs.
Dans un monde où l’entrepreneuriat est souvent idéalisé, cet événement a rappelé une vérité essentielle :
réussir, c’est aussi savoir apprendre à échouer.
Un article écrit par Joël SALAUN | Chargé de projets entrepreneuriat et innovation
Direction Entreprises et Réseaux – Pôle Entrepreneuriat & Innovation – HDFID