Retour sur la masterclass
« Biomimétisme : quand la nature inspire l’innovation »
Jeudi 15 février a eu lieu la Masterclass sur le thème « Biomimétisme : quand la nature inspire l’innovation ».
Pour l’organisation de cette Masterclass, HDFID s’est allié à l’IMTD, l’institut des Mobilités et des Transports Durables
qui se trouve au sein du technopôle Transalley, situé dans le Valenciennois. Cet événement était destiné aux experts de l’entrepreneuriat et aux incubés des Parcs d’innovation désireux de s’acculturer à cette thématique plus que jamais d’actualité !
Nous avons eu l’honneur d’accueillir 2 experts du biomimétisme pour animer cette journée : Alain Renaudin (à gauche), fondateur de NewCorp Conseil, du Ceebios et du Biomim’expo, et Anneline Letard (à droite), docteur designer biomiméticienne au Ceebios.
Au programme : une conférence inspirante, et des ateliers pratiques.
Innover durablement grâce au biomimétisme
En bref, le biomimétisme consiste à s’inspirer de la nature et du vivant pour relever les défis du développement durable.
Comme nous l’explique Alain Renaudin, cette approche part de plusieurs constats : le monde change, la biodiversité décline, les ressources sont limitées. L’être humain, tout comme l’ensemble du vivant doit s’adapter pour survivre. Il est donc urgent de cesser de dégrader les conditions nécessaires à la vie, sans pour autant cesser nos activités. Autrement dit : réconcilier les activités industrielles et le développement économique avec la préservation de l’environnement, des ressources et de la biodiversité.
Depuis 3,8 milliards d’années, le vivant s’adapte en permanence pour survivre. Quoi de plus logique que de s’inspirer de ces expériences fructueuses pour à notre tour innover et s’adapter ?
Alain Renaudin lors de la conférence
Alain Renaudin nous invite à l’humilité : nul besoin de tout réinventer, les solutions sont dans la nature, et nous pouvons nous en inspirer pour réaliser de nombreux défis : techniques, stratégiques, organisationnels…
Oui, les verres de terre peuvent nous aider à créer de l’innovation technologique !
L’Homo Sapiens, une poussière à l’échelle de l’univers
Si l’on devait transposer la durée de vie de l’univers depuis le Big Bang jusqu’à aujourd’hui et une année calendaire, l’Homo Sapiens serait né à… 23h48 ! A l’heure actuelle, l’être humain ne représente que 0,01% de la vie sur Terre. Autant d’arguments pour nous inciter à respecter le vivant, et à apprendre de celui-ci plutôt que chercher à le maîtriser, l’exploiter, ou encore le dégrader.
Se reconnecter au vivant
Pour s’inspirer du vivant, la première étape est de s’en rapprocher, de prendre le temps de l’observer, de s’émerveiller devant le foisonnement et l’ingéniosité des formes de vie qui nous entourent.
Beaucoup d’innovations bio-inspirées naissent d’expériences à priori banales, mais abordées avec curiosité et ingéniosité. Prenons par exemple la célèbre histoire de cet ingénieur, George de Mestral, qui en revenant un jour d’une promenade en forêt avec son chien, lui enlève des fleurs de bardane coincées dans ses poils. Intrigué par la puissance d’accroche de cette fleur, il l’observe, cherche à comprendre comment cela fonctionne pour reproduire ce phénomène. Il constate alors que les fleurs de bardane sont recouvertes de petits crochets. Il fabrique donc un textile composé de petits crochets, et cherche une matière proche des poils du chien pour les assembler. Il expérimente avec du velours, et cela fonctionne.
C’est ainsi qu’est né en 1941 le Velcro, contraction de « velours » et « crochet » !
Ce rapprochement avec la nature a un autre effet positif : celui de donner envie de la préserver, car comme nous le rappelle Alain Renaudin : « on ne détruit pas ce qui nous émerveille ». |
Fleur de bardane, ©Kasiaczernik
S’inspirer des pratiques éprouvées par la nature
Plusieurs entreprises et startups ont déjà adopté le biomimétisme, et 620 millions d’euros ont déjà été levés par ces mêmes startups !
De nombreux exemples inspirants ont d’ores et déjà vu le jour, comme par exemple le train à grande vitesse japonais, le Shinkanzen. La problématique rencontrée par son créateur, Eiji Nakatsu, était la suivante : le Japon étant une zone montagneuse, le train emprunte de nombreux tunnels. Lors de l’entrée et de la sortie de ces tunnels, la différence de pression atmosphérique provoque une perte brutale de vitesse et donc une secousse importante. C’est en observant le martin-pêcheur, qui entre et sort de l’eau à longueur de journée pour pêcher, discrètement et sans aucune perte de vitesse, que l’ingénieur japonais a trouvé la solution. Ainsi, l’avant du train a été allongé et affiné pour se rapprocher de la forme du bec de l’oiseau, et la problématique a été résolue !
Le Shinkanzen, ©PeterW1950
Le département de recherche de l’Oréal a fait appel à Newcorp ainsi qu’au Ceebios pour les accompagner dans le cadre d’un projet sur l’hygiène de demain, motivée par la nécessité d’économiser l’eau. La source d’inspiration choisie est le chat, qui se nettoie sans eau. La langue du chat avec ses papilles en crochets associées à sa salive, permet non seulement de se nettoyer mis aussi de se protéger de la salissure. Ce travail a donné naissance à une brosse humide qui fonctionne avec une solution proche de la salive du chat, et qui permet de nettoyer la peau et les cheveux humains. L’expression « faire une toilette de chat » prendra alors tout son sens ! Plus d’infos sur ce projet ici.
De nombreux autres exemples peuvent être cités, parmi :
– Les « winglets » des ailes d’avion (extrémités relevées), inspirées des ailes des rapaces, et qui permettent de limiter les vibrations des ailes et turbulences
– La conception de l’église de Nianing au Sénégal par l’architecte français Nicolas Vernoux-Thélot, naturellement climatisée grâce à ses cheminées inspirées des termitières
– La fibre textile élastique à tension continue, développée par l’entreprise allemande AM Silk, qui reproduit le principe de la toile d’araignée
– Le « cuir en champignons » fait à partir de mycélium, et utilisé par Hermès dans la conception de son sac « Victoria »
De nombreuses recherches sont également en cours, comme à l’université de Stanford, où une équipe de scientifiques cherche à appliquer la mécanique d’adhésion des pattes de Gecko dans le cadre d’un projet de récupération de débris spatiaux (voir la vidéo).
La structure des os humains, poreux mais pourtant solides, est aussi étudiée notamment pour alléger les constructions et utiliser moins de ressources (un os étant composé de 30 à 40% d’air).
Extrémité relevée des ailes d’avion, ©Bottlein
Eglise de Nianing, ©Dmbjoob
Fibre textile, ©AM Silk
Le sac Victoria de Hermès, ©Hermès
La patte du Gecko, ©Skitterphotos
Pour faire du biomimétisme, il faut collaborer
Vous l’aurez compris, le biomimétisme est un processus qui passe par plusieurs étapes, et fait appel à un éventail de compétences. Pour développer ainsi des solutions à échelle industrielle, ce sont des équipes pluridisciplinaires qu’il faut mettre autour de la table, et faire collaborer.
Pour observer, analyser et comprendre, ce sont les chercheurs et plus particulièrement les biologistes qui sont sollicités. Les scientifiques devront ensuite reproduire en laboratoire ce qui a été observé, et passer la main aux ingénieurs, qui devront travailler de concert avec les designers pour reproduire le phénomène à grande échelle. Les industriels pourront enfin produire et commercialiser la solution développée.
En France, nous avons la chance d’avoir un monde académique extrêmement riche, ainsi que de nombreuses équipes de chercheurs. Pour favoriser le biomimétisme, l’enjeu est à présent de rapprocher cet univers du monde de l’entreprise, afin que ces recherches puissent être mises en application.
Favoriser ce rapprochement faire partie des missions d’HDIFD, qui répond à ce besoin à travers la plateforme Plug In Labs, ou encore le réseau RéVER.
Le biomimétisme, ou comment réconcilier économie et écologie
Après cette passionnante acculturation au sujet, Anneline Letard propose à nos participants des ateliers de mise en pratique. Elle les invite à réfléchir en groupe sur leurs projets, et à les confronter au « cahier des charges du vivant » pour trouver des solutions respectueuses de l’environnement. Ils sont ainsi amenés à challenger leur projet en se questionnant sur les aspects qui seraient « non-durables ». En résumé, si le projet :
– implique l’utilisation de ressources non-renouvelables,
– provoque une dégradation de ressources naturelles,
– participe à l’augmentation de substances produites par la société,
– ou encore ne respecte pas les barrières sociales et culturelles,
alors les participants sont invités à imaginer d’autres solutions.
Une approche vertueuse, qui invite à un autre regard sur son projet, adoptée avec enthousiasme par tous !
Concrètement, comment adopter le biomimétisme ?
Pour initier les participants à cette démarche, Anneline Letard propose un exercice sous forme de problématique à résoudre : les bactéries que l’on élimine avec des produits chimiques deviennent résistantes.
Comment, en s’inspirant de solutions présentes dans la nature, imaginer une surface sur laquelle les microorganismes n’adhèrent pas, ou très peu ?
À partir du larmoiement de l’œil, du système de protection des oeufs de l’escargot de mer ou encore de la lumière UV, des solutions inspirées du vivant sont imaginées par les participants foisonnant d’idées.
Le vivant est une source inépuisable d’inspiration pour l’innovation. Les solutions à toutes nos problématiques peuvent toujours être inspirées par la nature !
C’est aussi une posture forte, qui implique de collaborer ensemble, comme le font les espèces depuis toujours. Le biomimétisme, c’est l’ambition d’un avenir plus harmonieux entre l’homme, ses activités, et son environnement.
Pour aller plus loin
Pour celles et ceux qui ont un bon niveau d’anglais, le site asknature.org est une plateforme qui permet aux scientifiques de partager leurs recherches. Sur ce site, on va pouvoir rentrer une fonction recherchée (exemple : comment fait la nature pour éliminer les bastéries ?), et la base de données va nous proposer un éventail de modèles biologiques qui remplissent cette fonction, ainsi que la documentation associée. Une véritable mine d’or pour commencer à adopter la méthode du biomimétisme ! Pour les curieux qui ne rencontrent pas encore de problématique particulière, l’onglet « Biological Strategies » permet d’explorer plus de 1700 stratégies du vivant. De quoi s’inspirer et s’émerveiller (presque) à l’infini !
Le Ceebios
Le Ceebios est une coopérative dédiée au Biomimétisme, composée de biologistes, architectes, ingénieurs, designers, urbanistes et experts du management. Leur mission est d’accompagner les entreprises & collectivités pour intégrer le biomimétisme à l’innovation industrielle et territoriale, de l’idée à la concrétisation. Vous trouverez également sur leur site de la documentation pédagogique pour découvrir le sujet en profondeur ici.
Evénements à venir
L’avis des participants…
Avec 61 participants et un NPS (Net Promoter Score) à +100, soit 100% de répondants qui recommanderait totalement la master class, nul doute que la journée a répondu aux attentes des startuppers et startuppeuses présentes.
Nous remercions Alain et Anneline pour leur travail et leur inspiration. Merci aussi à nos participants et à l’IMTD de nous avoir mis à disposition leur lieu.
LE REPLAY DE LA CONFÉRENCE
Un article écrit par Mélodie Illès | Chargé de communication 360° & graphiste
Dir. Entreprises et Réseaux – Pôle Communication – HDFID
milles@hautsdefrance-id.fr